Les pénuries de médicaments en hausse de 31% en un an

Publié : 14 février 2024 à 7h00 par Guillaume Pivert

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Plus de 4900 signalements ont été recensés en 2023. Tous les traitements sont concernés.

 


Il vous est peut-être arrivé récemment de faire plusieurs pharmacies avant de trouver le traitement prescrit par votre médecin. Rien de surprenant, les signalements de ruptures ou de risque de ruptures de stocks de médicaments ont augmenté de 31% l’an dernier selon l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM). Des chiffres multipliés par 10 entre 2008 et 2017 selon Laurent Davenne, pharmacien dans la Nièvre et président de l’ordre des pharmaciens de Bourgogne-Franche-Comté.


 


« Toutes les classes thérapeutiques sont concernées, tout ce qui est cardiovasculaire, le système nerveux, les médicaments infectieux, même les nouveaux médicaments, les immunomodulants, il y a des ruptures dans toutes les classes », explique-t-il. Des difficultés d’approvisionnement qui sont aussi « très prenantes et très stressantes » pour les patients, insiste Laurent Davenne.


 


 Ces pénuries n’ont pas une seule mais plusieurs causes. Le pharmacien pointe d’abord une population mondiale toujours plus grande et logiquement une demande en médicaments beaucoup plus forte. Le vieillissement de la population française avec une incidence des pathologies fréquentes, peut aussi expliquer la situation. « La chaîne de fabrication n'arrive pas à fournir globalement la demande », résume-t-il.


 


Laurent Davenne pointe du doigt également la fragilité de cette chaine. « On


a beaucoup externalisé la fabrication de principes actifs notamment en Inde et en Chine », détaille-t-il. « Dès lors qu’il y a des incidents économiques, diplomatiques comme la guerre en Ukraine et qui peuvent avoir des effets sur le marché des matières premières, cela fragilise aussi la chaîne de production ».


 


"On a favorisé le TGV plutôt que les TER"


 


Enfin, le pharmacien estime que la sous-traitance est aussi un facteur de la pénurie de médicaments. « C’est un peu comme le problème du rail en France ; on a favorisé le TGV, donc les produits innovants, les produits anti-cancéreux et tout ça, mais on a peut-être un petit peu délaissé les TER, les chaînes matures, les produits sur lesquelles les prix ne sont pas forcément très élevés ».


 


S’il estime que la relocalisation de la production est une des solutions, Laurent Davenne pense qu’elle ne peut se faire qu’au niveau européen. Il juge aussi de revoir « notre politique globale du médicament », citant notre surconsommation par exemple d’antibiotiques, « qui n’est pas forcément adaptée aux besoins réels ». Enfin, l’information aux médecins d’un risque de pénurie pourrait selon lui, leur permettre de prescrire d’autres traitements à leur patient.


 


Celui-ci n’est pas le seul impacté par les pénuries. « On évalue à un jour par semaine le temps qu’on passe à gérer les ruptures, pour trouver des alternatives en faisant le tour des grossistes, etc… ça nous prend beaucoup de temps », rapporte Laurent Davenne.