Des députés veulent s’attaquer à la fast-fashion

Publié : 14 mars 2024 à 7h00 par Guillaume Pivert

Canva
Canva
Crédit : Canva

Les députés du groupe Horizons déposent ce jeudi une proposition de loi contre la fast-fashion.

Toujours plus de vêtements, toujours moins cher. Si cela paraît intéressant pour le porte-monnaie, la fast fashion fait en réalité des ravages : économiques, sociaux et environnementaux. Elle représente 10% des émissions de gaz à effet de serre. Des députés du groupe Horizons s’attaquent au phénomène en déposant aujourd’hui à l’Assemblée une proposition de loi. Elle prévoit l'interdiction de la publicité pour les marques de fast fashion et d’instaurer un malus (jusqu’à 10 euros) pour chaque produit.

 

Mais au juste, c’est quoi la fast-fashion ? « C’est une mode rapide et bon marché. Cela correspond au prêt-à-porter qui a été développé depuis la fin du 19e siècle et qui produit de plus en plus de volume, des volumes éphémères qu'on jette à bas coût », explique Audrey Millet, chercheuse à l’université d’Oslo et autrice du Livre noir de la mode. Acheter et jeter aussi rapidement un vêtement, n’est pas sans conséquence. Il y a plusieurs points noirs selon elle.

 

Évidemment, le premier est environnemental. « Nous savons que toutes les matières synthétiques qui passent en machine à laver finissent dans le ventre des poissons que nous mangeons. Mais également que les champs sont empoisonnés aux pesticides. Et par exemple au Punjab en Inde, des villages ne peuvent pas se repeupler. Les hommes et les femmes sont devenus stériles. Je ne vous parle pas des cancers avec les produits toxiques, notamment de teinture ».

 

Second point noir, les droits humains. « Toutes ces marques vont faire leur vêtement, fabriquer leur vêtement dans des pays qui clairement ne sont pas des démocraties, ce ne sont que des zones à risque comme l'Inde, la Chine, le Bangladesh, l'Éthiopie. L'Éthiopie où le SMIC, le salaire minimum, est à 26 euros par mois ou encore au Myanmar, l'ancienne Birmanie qui est une dictature militaire ».

 

 La mode, une addiction commes les autres

 

Selon Audrey Millet, le consommateur est pris au piège. « La mode est une addiction », explique-t-elle, alimentée par la publicité, les remises, les nouvelles collections… L’autrice nous invite à repenser nos comportements. « Si vous n'achetez pas ces trois t-shirts à 10 euros, dans une grande enseigne ce mois-ci, en fait vous pourrez acheter ce t-shirt à 40 euros qui sera fait d’un beau coton bien épais, qui tiendra, qui vous ira bien mieux, qui ne se déformera pas, que vous ne jetterez pas », résume-t-elle.

 

La proposition de loi déposée aujourd’hui à l’Assemblée est selon démagogue. « Lorsque vous avez une assurance voiture, vous avez un malus parce que vous avez eu un accident. Lorsque vous n'avez pas eu d'accident, potentiellement vous avez un bonus. Donc au final, c'est le consommateur qui va payer. Or le consommateur n'est pas responsable de la destruction de l'environnement ni des droits humains ». D’autant que toutes les marques ne seront pas ciblées. La député Anne-Cécile Violland, rapporteuse du texte, explique qu’il ciblera celles qui proposent un millier de nouveaux modèles chaque jour. C’est le cas de Shein ou de Temu mais pas de Zara.

 

L’interdiction de la publicité, lui semble, en revanche, une bonne chose. « Ça rejoint beaucoup la loi Evin sur les cigarettes. On n'a pas le droit de faire des publicités pour les cigarettes, on n'en a même plus dans les films. Et en fait, il faudrait faire ça pour la mode mais aussi l'alcool, pour le PMU, pour la Française des Jeux, parce que tous ces secteurs sont extrêmement addictifs », affirme-t-elle.

 

Audrey Millet estime qu’il faudrait être plus ambitieux en s’attaquant aux règles du libre-échange, de la libre-concurrence et en limitant les volumes de produits.