24 Heures du Mans : « Un festival d’émotions »

Publié : 5 juin 2023 à 6h00 par Hugo Harnois

Image d'archive 24 Heures du Mans
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Crédit : Libre de droit - Kevin Decherf

Les 10 et 11 juin prochains a lieu le centenaire des 24 Heures du Mans. Avec Roland Garros et le Tour de France, la course fait partie des événements sportifs annuels majeurs en France. Entretien avec Pierre Fillon, président de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), organisateur des 24 Heures.

« Il y a une grosse pression et un sentiment d’excitation non caché ». Président de l’ACO, Pierre Fillon ne passe pas par quatre chemins pour décrire son état d’esprit à quelques jours du centenaire des 24 Heures du Mans. Près de 5000 personnes travaillent sur l’organisation de la course depuis plus de deux ans. On compte notamment 2000 bénévoles (personnel sanitaire, médical, photographe, chauffeur de navettes, commissaire de pistes) qui se révèlent être « extrêmement importants », précise le président de l’ACO, « c’est une grosse machine ».

 

La population de la ville doublée

Il faut dire que l’événement promet d’être impressionnant, avec 300.000 personnes attendues tout au long de la semaine, soit deux fois plus que la population mancelle habituelle. « Il y a beaucoup de challenges à relever afin que les spectateurs aient la meilleure expérience possible. On va devoir gérer les problèmes d’une ville de plus de 200.000 habitants pendant une semaine, ce n’est pas rien. Il y aura des enjeux de flux, de parking, d’accès à la restauration, au camping et à l’hôtellerie. On veut offrir à nos spectateurs un événement un peu hors du commun », promet Pierre Fillon.

Après l’enjeu touristique vient évidemment celui économique, que cela soit pour la Ville du Mans, le Département de la Sarthe ou la Région Pays de la Loire. D’après une étude datant de 2016-2017, le territoire aurait bénéficié de 115 millions d’euros de retombées économiques, l’équivalent de 2500 emplois à temps plein à l’année. Enfin, avec le retour historique de l’écurie Ferrari après 50 ans d’absence sur le circuit, l’enjeu sportif est tout aussi important. Le président se félicite pour ce centenaire d’avoir « un plateau exceptionnel avec le retour des grandes marques : General Motors, Ferrari, Toyota, Porsche, Peugeot… On va être sous les projecteurs du monde entier. Tout le monde veut gagner cette course, vous imaginez que la pression va être énorme. »

 

Maître-mot : la mobilité

Pierre Fillon suit les 24 Heures du Mans depuis l’âge de 8 ans. Et après toutes ces éditions qu’il n’a jamais loupées, le fan de sport automobile soutient que « la mobilité » a toujours été le moteur premier de la course. « C’est la base de l’événement : permettre aux constructeurs de venir tester et développer des technologies ». Et parmi les inventions les plus emblématiques qui ont marqué la course, on peut notamment évoquer les phares antibrouillards, les freins à disque ou encore l’injection directe. L’hybride a émergé sur le circuit en 2007, « ce qui nous a permis de réduire de moitié nos émissions de CO2 », puis l’an dernier, un carburant 100% renouvelable « dans lequel il n’y a pas une goutte de pétrole » a vu le jour. « La raison d’être des 24 Heures, qui était de développer la mobilité du futur, n’a pas pris une ride », se plaît à dire Pierre Fillon.

Au-delà de ces aspects technologiques et environnementaux, les 24 Heures du Mans s’avèrent également être « une grande fête populaire, les gens viennent ici en famille, entre amis, et vivent une expérience pendant une semaine où le temps se suspend un peu. On vient y vivre aussi un festival d’émotions. »

 

Sensibiliser les spectateurs

Alors que le centenaire n’a pas encore commencé, le président de l’ACO se projette déjà dans le futur en évoquant son plus grand défi : la réduction de 30% des émissions de carbone d’ici à 2030. Autre cible : les spectateurs, qui représentaient avec leurs déplacements 64% du bilan carbone lors de l’édition 2019. « L’essentiel, ce sont les spectateurs, qui sont essentiels et que l’on veut garder. Mais c’est important que l’on travaille avec eux pour décarboner. Il faut sensibiliser nos spectateurs à réduire leurs émissions de CO2. C’est pourquoi on a mis en place un ‘Green Ticket‘, qui donne des réductions aux gens qui viennent en covoiturage, par des transports en commun, en voiture hybride ou électrique. »

Récemment, le collectif « Stop 24 » composé de membres issus d’associations comme Alternatiba ou Greenpeace a fait parler de lui, en dégradant un tramway au Mans promouvant le centenaire des 24 Heures.  Plus que de critiquer la pollution liée à un tel événement sportif, les activistes cherchent également à éveiller les consciences autour de l’image positive de la voiture. « Chacun défend ses idées », réplique Pierre Fillon, « pour nous, l’objectif n’est pas de supprimer l’automobile parce qu’aujourd’hui tout le monde n’habite pas dans les grandes villes. Et même si l’on développe les transports en commun à outrance, il y en aura toujours qui continueront d’habiter dans les petits villages où l’on a besoin d’une voiture, ne serait-ce que pour aller travailler, se faire soigner, et emmener ses enfants à l’école. »

La voiture fera donc toujours, selon lui, partie de nos quotidiens futurs, et l’enjeu « est de favoriser les technologies qui vont permettre d’aboutir vers une mobilité zéro émission. Et aujourd’hui, ces technologies, elles existent, mais ce qu’il faut, c’est les développer au plus vite et les diffuser. » 

Enfin, la période post-covid a bel et bien démontré que les gens avaient toujours envie de sortir, se réunir et faire la fête. À n’importe quel prix ? « Je ne pense pas qu’il faille supprimer ces grands événements, mais les rendre plus vertueux, et, là aussi, les solutions existent pour décarboner ces grands rendez-vous », répond l’intéressé. Convaincu ?